20/11/2017

Le chercheur d'âme - Steve Laflamme

À force de lui faire montrer les dents, la colère transforme l'homme en animal...

On l'appelle le «Chercheur d'âme».
Chacune de ses victimes, retrouvée le visage ouvert, est porteuse d'un message qui semble narguer les policiers de l'Unité des crimes majeurs de la Sûreté du Québec. En présence d'un motif obscur, de références cryptiques et d'un mode opératoire aussi systématique qu'incompréhensible, le sergent-détective Xavier Martel ne ménage aucun effort pour mettre fin au cycle sanglant. 

Prédateur de prédateurs, celui qui a déjà goûté à la violence crue fait de cette enquête une affaire personnelle. La seule chose qu'il ne peut se permettre de perdre, c'est du temps. C'était sans prévoir que la folie du tueur et le goût âpre d'une possible défaite le précipiteraient, lui aussi, dans ses derniers retranchements.

Éditeur: Les éditions de l'Homme
Genre: Policier
Parution: Avril 2017







Cette semaine, avec l’automne qui s’installe bien confortablement, je vous propose un livre policier un peu sadique par moment. Le genre de roman agréable à lire devant un feu de foyer, emmitouflé dans une grosse couverture. Professeur en littérature à Ste-Foy, Steve Laflamme s’illustre très bien avec ce premier roman et démontre qu’il y a réellement du talent au Québec.

Dès la première page, le ton est donné par le style de l’auteur qui ne mâche pas ses mots. Le premier chapitre est sanglant et sans retenue, j'irais même jusqu'à dire qu'il est gore, mais cette violence n’est présente qu’en petits segments au cours du roman. Donc, cœurs sensibles, il ne faut pas s’empêcher de découvrir cette histoire simplement pour cette facette plus obscure.

L'enquêteur Xavier Martel a de sombres secrets, des démons qui refont surface et des cauchemars dans lesquels l'auteur nous plonge par des retours dans le passé. De cette façon, nous en apprenons un peu plus sur son enfance, ainsi que sur son cheminement. C'est une personne torturée, loin du personnage parfait et si charismatique et, sincèrement, ça fait du bien. Martel prend à cœur l'enquête dont il est responsable, tellement qu’il en fait une affaire personnelle. À un certain moment, Xavier a le courage de se remettre en question, dévoilant son côté plus humain, et cela nous rend le personnage encore plus réel et touchant. 

L'auteur ne laisse pas en plan le meurtrier en nous plongeant dans sa tête, ses souvenirs. Le narrateur nous raconte ses péripéties alors qu'il est en cavale et nous avons accès à quelques-unes de ses pensées. Nous visitons aussi son passé à quelques reprises et, avec son histoire, nous arrivons à comprendre les raisons de ses comportements déviants et barbares. C'est sanglant, mais ce n'est pas sans signification: il y a toute une histoire, un vécu derrière ces gestes posés. Les petits mots coincés sous la peau et les tatouages sur le corps de chacune des victimes, ces indices laissés par le meurtrier en série, aideront Martel et son équipe à lui mettre la main au collet. Et, alors que nous croyons que son identité est révélée plusieurs pages avant la fin du bouquin, l'auteur nous surprend avec un beau retournement de situation. Nous ne sommes pas au bout de nos peines!

La trame de fond se maintient autour du monde de la lutte au Québec. L'auteur lève le voile sur les pratiques violentes du métier tout en bien dosant la quantité d'informations transmises. Quoique ce thème est plus présent à certains moments dans le texte, il reste en arrière-plan. Il n'est donc pas nécessaire d'aimer ce sport pour apprécier le roman à sa juste valeur. 

Ce livre est à l'image d'un esprit vif puisque tous les détails sont pensés, jusqu'à l'endroit où sont abandonnés les corps. De plus, le texte regorge de jeux de mots brillants, surtout dans les échanges entre l'enquêteur Martel et le suspect. Humour noir et jeux de mots semblent bien coller à la peau de cet auteur qui manie le langage avec agilité. Un suspense dans lequel le tueur se promène d'un coin à l'autre du Québec; palpitations garanties.

Écorché par la vie, l'enquêteur Xavier saura-t-il résister à l'appel de la vengeance? Entre victime et suspect, la ligne est mince...

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Entrevue avec l’auteur

En tant que premier roman, comment as-tu trouvé le travail de réécriture? As-tu trouvé difficile de décider quoi garder et quoi supprimer pour passer d’un roman de plus de 1000 pages à 460 pages?

Oui et non. La première version du Chercheur d’âme comportait 1100 pages, mais je savais dès le départ qu’un tel format risquait de me nuire. Le hasard a voulu qu’à la fin du premier jet je sois en train de lire On Writing, l’essai de Stephen King sur l’écriture. J’ai mis en application la recommandation de William Faulkner qu’il y transcrit : Kill your darlings. On en vient en se relisant à déceler ce qui est essentiel et ce qui a été écrit pour se faire plaisir, en tant qu’auteur. Ensuite, on se fait prendre au jeu et on apprécie chaque occasion de couper quelques centaines de mots. L’idée est de garder en tête que c’est ultimement pour améliorer l’œuvre, pour en conserver le meilleur, qu’on s’inflige autant de sacrifices. 



Avec cette histoire, il est évident que tu as une certaine fascination pour la psychologie et la criminologie. Qu’est-ce qui t’intrigue tant sur ces deux sujets et sur le côté sombre de l’être humain? 

J’écris sur la psychologie criminelle parce que la façon de penser du criminel (qu’il soit assassin, membre d’un gang ou simplement quelqu’un de violent) est très loin de ce que je suis. Je me suis intéressé il y a 20-25 ans aux tueurs en série parce que j’étais (et je le suis encore) fasciné par le fait qu’un être humain puisse en venir à commettre des gestes qui dépassent l’entendement, des gestes que l’empathie doit nous empêcher de commettre. Je suis intéressé à savoir ce qui façonne l’esprit – ou ce qui le détruit… – au point que quelqu’un en vienne à poser des gestes qui sont si loin de ce qu’est l’humain moyen.

En entrevue à la radio, une animatrice m’a demandé, d’emblée : « Êtes-vous quelqu’un de gentil, dans la vie? » Oui, et c’est justement pour ça que je veux explorer des esprits qui se situent à des années-lumière de ce que je suis. La littérature sert aussi à ça : à se mettre à la place de l’autre, et ça implique d’entrer dans l’esprit de quelqu’un de tourmenté, très souvent. 



Le roman recèle d’humour noir, ce que j’ai adoré d’ailleurs. Dans la vie, as-tu le même genre d’humour que tes personnages?

Tout à fait. Les gens qui me connaissent bien ont reconnu, dans cet aspect de la narration ou de la personnalité de l’enquêteur Xavier Martel, une portion très personnelle, qui me ressemble. J’adore l’humour, parce qu’il nécessite du rythme, il nécessite qu’on pèse les mots, qu’on retravaille la phrase, qu’on économise les mots, mais aussi parce qu’il exige qu’on surprenne le lecteur avec de l’inattendu. Je déteste l’humour facile. Ce que j’aime de l’humour noir, du sarcasme, c’est qu’il fasse un peu grincer des dents. Les remarques caustiques que font les personnages dans le roman, je pourrais les faire moi-même dans des discussions avec des gens de mon entourage. C’est sans doute un des rares éléments autobiographiques du roman, d’ailleurs. 



Peut-on souhaiter tenir dans nos mains une série mettant en scène l’enquêteur Xavier? 

Personnellement, j’envisage cinq romans mettant en scène le personnage de Xavier Martel, parce que c’est quelqu’un qui a de la substance, à qui j’ai donné assez d’épaisseur pour que quelques romans soient nécessaires pour qu’on en fasse le tour. Le Chercheur d’âme, c’est un roman dans lequel on trouve une enquête « fermée », qui est bouclée à la fin du roman – la traque d’un tueur en série ; mais c’est aussi un roman dans lequel on voit Xavier Martel avec ses défauts et ses qualités, qui font en sorte qu’il se met dans le pétrin… Et c’est cette intrigue parallèle – celle qui concerne la vie personnelle de Martel – qui va traverser dans les autres romans. 



Pour les gens qui aiment bien ton roman, quelles autres lectures québécoises, dans la même veine, est-ce que tu leur suggèrerais?

Les romans de Martin Michaud qui mettent en scène Victor Lessard, pour le rythme. Les romans de Benoît Bouthillette, pour la qualité exceptionnelle de l’écriture – parce qu’écrire du polar, ce n’est pas qu’une question d’intrigue ; il y a aussi le style, l’écriture, et trop d’auteurs, à mon avis, écrivent sans relief sous prétexte que les littératures de genre ne se prêtent pas à des envolées stylistiques. 

Je pourrais suggérer aussi quelques romans (plus difficiles à trouver, peut-être) de Michel Châteauneuf, pour leur côté subversif, pour leur propension à explorer des zones qui mettent mal à l’aise. 



Merci à Steve Laflamme   
pour cette descente aux enfers








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